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La longue odyssée d’un collège à Sorel

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11 septembre 2012
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Sorel a dû livrer de nombreuses batailles afin d’assurer son existence et le maintien de son caractère ethnique et de ses institutions. Pourtant, une de ces luttes les plus tenaces est méconnue de la population : le relèvement du niveau de l’éducation de sa jeunesse en 1944.

En 1861, Sorel prend un essor économique important grâce à ses chantiers navals, ses ateliers mécaniques et ses lignes de navigation. La population de 5000 habitants se rend rapidement compte qu’il y a un manque au niveau de l’éducation, puisque la région ne compte qu’une école élémentaire et commerciale, sous la direction des Frères des Écoles chrétiennes. Quoique cette dernière soit placée au premier plan des institutions de ce genre, on aspirait à plus. C’est donc à cette époque que l’on tente de doter Sorel d’un collège classique.

La réponse de l’évêque de Saint-Hyacinthe est négative. La raison : il y a assez de collèges classiques dans la province et la fondation d’une institution similaire pourrait entraîner la ruine des grands collèges, plus particulière celui de Saint-Hyacinthe. Malgré tout, le projet prend de l’ampleur et, en 1868, sous l’autorité du maire Georges-Isidore Barthe, on décide l’établissement d’un collège classico-commercial dans le genre de celui de Trois-Rivières.

Puisque le nombre d’élèves augmente d’année en année, on décide d’ériger un nouveau collège. L’édifice est imposant et mesure 150 pieds de front sur 50 de largeur avec soubassement et quatre étages. Il est en pierre à bosse d’un gris sombre, surmonté d’une coupole centrale et d’une tourelle aux quatre coins du toit. Malheureusement, à cause d’une aide financière qui ne vient pas et, malgré de nombreux efforts des citoyens, les immeubles du collège sont vendus à un prix dérisoire. Plusieurs s’en désolent, dont l’abbé Després qui écrira : « N’est-il pas déplorable […] de voir tomber une maison de cette importance entre les mains de nos frères séparés ? Il semble, à la distance où nous sommes de ces évènements, qu’avec le concours du gouvernement et des autorités civiles et ecclésiastiques, il eut été facile de garantir ce montant et d’assurer ainsi l’existence de l’institution… Sorel fit, en cette circonstance, une grande perte. » Le collège sera remplacé par un lycée anglican, le collège Lincoln.

À la suite d'un vagabondage d’édifice en édifice du collège, Mgr Moreau, évêque de Saint-Hyacinthe, informe le curé Dupré, responsable du collège, qu’il doit se pourvoir d’un personnel enseignant, car il a l’intention de retirer ses prêtres et ecclésiastiques, professeurs au collège de Sorel. On cherche alors à remplacer le corps enseignant et c’est finalement les religieux de Sainte-Croix de la Côte des Neiges qui prennent le relais de l’enseignement élémentaire en 1886, dans le presbytère de Saint-Pierre et son annexe située dans la bâtisse de la rue Prince.

Après trois ans de loyaux services, ces derniers menacent de quitter puisqu’ils souhaitent ardemment enseigner le classique. Pour mettre fin au désordre, on fait disparaître le curé Dupré, qu’on savait être l’instigateur de ce mouvement « inopportun », pour le remplacer par un curé plus soumis aux directives maskoutaines. C’est avec tristesse que les citoyens le voient partir, car il avait fait de grandes choses à Sorel. Il est remplacé par le chanoine Maxime Decelles, alors curé de Saint-Roch.

Le 21 juillet 1890, une assemblée des citoyens se tient dans la salle des théâtres du Marché Richelieu, durant laquelle on soulève la question de l’enseignement secondaire. Encore une fois, un refus est essuyé. Le 23 mars 1891, les commissaires reviennent à la charge auprès de Mgr Moreau qui leur répond ceci : « En refusant l’enseignement classique dans votre ville, loin de vouloir laisser votre population dans une position désavantageuse sous le rapport de l’éducation, j’ai cru et je crois encore fermement que je servais mieux ses intérêts en l’engageant, comme je l’ai fait souvent, à assurer à sa jeunesse une bonne éducation commerciale et industrielle. »

Il consent malgré tout à ce qu’on reprenne l’enseignement du cours classique à Sorel, mais sous certaines conditions, dont celle que le cours devra être strictement sous le contrôle d’une communauté religieuse enseignante. Vu les circonstances, le projet ne voit toujours pas le jour.

En 1893, les commissaires réunissent l’externat de la rue George avec le pensionnat de la rue du Prince et vendirent à la Corporation de l’Hôpital le vieil immeuble de la rue George. Puis, en 1896, les Frères de la Charité, qui avaient alors dans la Beauce un collège qui devait fermer ses portes, font l’acquisition du collège Lincoln qui sera baptisé « Mont-Saint-Bernard » en l’honneur du nouveau curé de Sorel, l’abbé J. Cléophas Bernard. L’installation des Frères de la Charité à Sorel fait sentir aux religieux de Sainte-Croix qu’ils sont de trop, puisque les deux groupes religieux dispensent le cours élémentaire, et ils quittent la ville en 1909.

Le 21 juin 1928, une nouvelle se répand : le Mont-Saint-Bernard ferme ses portes à la jeunesse soreloise pour devenir un juvénat  de la communauté. C’est un véritable coup d’éclat dans la région. L’Association des Marchands prend l’initiative d’organiser une entrevue des citoyens avec l’évêque de Saint-Hyacinthe. C’est Alfred Trempe, président de l’association, qui lit le texte de la requête à Mgr Descelles, sans grand succès. Le maire de Sorel, le Dr. Robidoux, prend alors la parole en ces mots : «[…] Sorel est en ce moment la seule ville de la province qui soit privée d’une école supérieure : l’enseignement actuellement donné à l’académie ne répond pas aux besoins de la population, puisque les élèves des classes supérieures du Mont-Bernard fermé depuis juin ont dû aller ailleurs pour terminer leurs études et un certain nombre ont dû renoncer à leurs études, les parents n’étant pas en mesure d’engager les dépenses occasionnées par le déplacement dans une institution étrangère. »  Puis, il présente des documents officiels prouvant qu’il y a eu collusion entre les Frères et l’évêché de Saint-Hyacinthe. Cette démarche des citoyens de Sorel n’eut pas de résultat concret, autre que de révéler le silence coupable.

Avec la Révolution tranquille dans les années 1960, on assiste à la démocratisation de l’Église catholique. Sorel se voit transformée par ce courant de modernisme. Plusieurs bâtiments sont détruits – le palais de justice, le bureau de poste, la prison –, dont le Mont-Saint-Bernard. En effet, la démocratisation de l’éducation amène la laïcisation du personnel enseignant. Désormais, le collège ne répond plus aux exigences du marché et, de toute manière, la bâtisse commence à demander des rénovations majeures. On démolit donc ce dernier en 1963 et l’on commence, sur le même site, la construction de la première polyvalente de la région, l’école secondaire Fernand-Lefebvre, quatre ans plus tard.

Longue odyssée d’un collège à Sorel qui, à la toute fin, laissera sa place à d’autres institutions scolaires. La Révolution tranquille aura donc changé le visage de Sorel à tout jamais pour nous permettre la mise en place de notre commission scolaire, nos deux polyvalentes, puis le Cégep de Sorel-Tracy.

Mylène Bélanger, archiviste en chef à la Société historique Pierre-de-Saurel

www.shps.qc.ca

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