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Un trésor d’une rare richesse

Un trésor archéologique est découvert sous le stationnement derrière Hydro-Québec

durée 11h00
23 juin 2023
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Par La Presse Canadienne

Quelque part entre 1801 et 1825, une maison de pierres, bâtie sur une fondation fort bien faite, a vu le jour dans ce qui est aujourd’hui le stationnement du siège social d’Hydro-Québec, en plein centre-ville de Montréal.

Ce trésor archéologique d’une rare richesse, qui vient d’être mis au jour par des archéologues de la société d’État, raconte l’histoire de résidants aisés installés au bord du ruisseau de la Côte à Baron, qui n’existe plus, avec front sur la rue Saint-Charles-Borromée, devenue par la suite la rue Clark, en plein cœur du Faubourg Saint-Laurent.

À cette époque, le Faubourg Saint-Laurent était en train de naître dans un secteur jusque-là agricole.

«C’était un bourg populaire qui s'est aménagé à l'extérieur des murs de fortification autour du milieu du 18e siècle, où l’on retrouvait des artisans, des gens un peu moins nantis, des agriculteurs, venus s'installer ici en réponse à la densification de plus en plus forte à l'intérieur des murs des fortifications», raconte l’archéologue Martin Perron, responsable du site.

«On a été chanceux!»

La découverte était prévisible, raconte-t-il, puisqu’on avait trouvé d’autres vestiges lors des constructions d’édifices environnants, mais on ne s’attendait pas à trouver un site d’une telle richesse.

«On a été chanceux! Les vestiges archéologiques se trouvent vraiment à faible profondeur sous le pavé de l'asphalte», se réjouit M. Perron. 

«Ce bâtiment, il est exceptionnellement bien préservé, dit-il. On a des fondations sur presque trois ou quatre pieds de hauteur avec les premières assises du mur d'élévation. On présume l'avoir dans son entier parce que le front est, qui donnait sur la rue Saint-Charles-Borromée, est sous l'actuel trottoir de la rue Clark

Il ajoute qu’on a trouvé «un puits d'eau à l'intérieur, ce qui était assez commun, mais c'est assez inusité d'en trouver aussi bien préservé enfoui. On a la couche de construction, les fondations, dans laquelle on a trouvé plusieurs matériaux de construction et surtout des petits éclats de pierre qui ont été taillés pour bien s'insérer dans les fondations du mur.»

Mystérieux tessons du 19e siècle

La cache aux objets précieux ne s’arrête pas là, bien au contraire, poursuit-il, expliquant que l’on a découvert de nombreux artéfacts datant, pour la grande majorité, du 19e siècle, mais «on a quand même retrouvé quelques tessons, en grès salin et en faïence, qui remontent assurément à la seconde moitié du 18e siècle, soit vers le début du régime anglais», qui représentent un premier mystère, raconte l’archéologue.

«Ça c'est la grande question. Est-ce que ce sont des tessons épars qui ont été laissés là lorsqu'il y a eu des gens de passage près du ruisseau? Peut-être des agriculteurs? Mais sur les plans antérieurs, on n'a aucune trace d'aucun bâtiment ou d'aucune activité autre qu'agricole. Il n'y avait pas de construction connue. Ces artéfacts sont orphelins pour le moment, mais c'est hyper intéressant et on veut continuer les recherches pour essayer de trouver d'autres niveaux peut-être associés à cette occupation de seconde moitié du 18e siècle.»

La caverne d'Ali Baba

Pour ce qui est des objets directement associés à la maison, c’est la caverne d’Ali Baba.

«On a vraiment de tout, tout ce qui était utilisé à l'époque: vaisselle, vaisselle de présentation, des pichets, des assiettes, des bols dont certains sont quand même richement décorés.»

«On a toute la séquence de production de ces matériaux au 19e siècle avec des importations qui proviennent d'Angleterre, de France, des États-Unis, du Bas et du Haut Canada. On a également des bouteilles de boissons gazeuses, de bière, de vin, des encriers, des objets pour l'hygiène courante, beaucoup d'ossements associés à l'alimentation des gens, dont plusieurs avec des traces de boucherie, du porc, du mouton, du boeuf

Puis, un deuxième mystère est soumis aux chercheurs. C’est que la qualité des objets trouvés «pointe en direction d'un propriétaire ou d'un locataire bien nanti», explique Martin Perron, alors que «le Faubourg Saint-Laurent, au départ, c'est surtout un quartier populaire». L’hypothèse d’un occupant membre d’une profession libérale, comme un avocat ou un notaire, est dans l’esprit des fouilleurs.

Une troisième énigme

Enfin, une troisième énigme se présente. «Ce bâtiment-là, pour une raison qu'on s'explique encore mal, a été rasé à la fin du 19e siècle, vers 1890, peut-être un peu avant. Cette maison a été mise à terre alors que le Faubourg Saint-Laurent, à cette époque, est en pleine expansion, en pleine effervescence. Est-ce qu'il y a eu un incendie? Est-ce que les bâtiments étaient maintenant vétustes?»

Mais l’espace n’est pas demeuré inoccupé longtemps. Dès 1890, une scierie et une cour à bois s’y installent, scierie qui sera en activité jusqu'à la construction du siège social d'Hydro-Québec à la fin des années 1950. Ce qui reste du plancher de bois de la scierie est présentement exposé et s’étend probablement sous la portion du stationnement qui n’a pas encore été excavée, mais ne sera pas là longtemps, précise M. Perron, qui est d’abord intéressé par ce qu’il y en en dessous. «Ces vestiges seront éventuellement démantelés lorsqu'ils auront été documentés de façon plus systématique pour voir s'il n'y a pas des niveaux plus anciens qui pourraient être associés au Faubourg Saint-Laurent.»

Les fouilles archéologiques en cours ne sont pas un sauvetage d’urgence avant construction. Bien au contraire, l’objectif était dès le départ de réaménager le stationnement en espace public. Les découvertes sont un bonus dont le public pourra profiter. «On veut en faire une place pédagogique, didactique et de repos qui va venir s'harmoniser avec l'esprit du Quartier des spectacles, donc un endroit où on va pouvoir venir se reposer, avec panneaux d'interprétation, des murales

Ce moment pourrait prendre encore du temps, mais il sera accueilli avec plaisir, l’histoire étant souvent oubliée dans les différents projets urbains.

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne

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