Observatoire international en management du sport
L'intérêt pour le sport féminin doit encore être développé au Québec, selon une étude
Par La Presse Canadienne
Même si la majorité des Québécois disent reconnaître l’importance du sport féminin, ils considèrent qu’il n’est pas suffisamment représenté dans les médias, et encore une faible partie de la population regarde des matchs disputés par des femmes : c’est ce que démontre une étude diffusée par l’Observatoire international en management du sport de l’Université Laval.
L’étude parue en septembre s’est intéressée à l’intérêt des Québécois pour la Coupe du monde féminine de soccer qui s’est déroulée en Australie et en Nouvelle-Zélande, cet été, et en a profité pour interroger les répondants sur leur intérêt pour le sport féminin en général.
La majorité des 501 répondants à la recherche (67%) estiment que le sport féminin doit jouer un rôle important dans le paysage sportif québécois. Toutefois, selon Frank Pons, directeur de l’Observatoire international en management du sport, cela s’apparente à des «vœux pieux».
«Quand on regarde dans les faits, on a des gros manquements, qui font sans doute qu’on a des taux d’écoute relativement bas et peu d’intérêt parce qu’on en voit peu, et on le met peu en avant de manière générale», affirme-t-il.
La plupart des participants à l’étude (93%) croient que le sport féminin professionnel n’est pas suffisamment développé. De plus, seulement 11,8% des personnes interrogées sont satisfaites de la couverture médiatique des sports féminins.
«Une grande majorité de gens considèrent que le sport féminin a un rôle important à jouer dans l’écosystème du sport au Québec, mais en même temps, les gens trouvent qu’il y a très peu de visibilité donnée au sport féminin, et par conséquent, on (le) regarde peu», résume M. Pons.
Fait étonnant : les hommes sont plus nombreux à écouter du sport féminin que les femmes. L’étude de l’Observatoire estime que 18,8% des Québécois de 18 ans et plus ont regardé la Coupe du monde de soccer féminin qui a eu lieu au mois de juillet et d'août dernier. Parmi eux on compte 27% d’hommes, et 9% de femmes.
«Les hommes qui regardent le sport féminin voient ça comme un outil de plus de paris sportifs», indique M. Pons, disant que cela peut expliquer cette différence, alors que davantage d'hommes font des paris.
Un second facteur à prendre en compte est les «rôles prédéfinis dans certaines populations, où malheureusement, les femmes ont souvent moins de temps discrétionnaire que les hommes, pour avoir de la liberté de temps», ajoute M. Pons.
«Une des répercussions, c’est que de toute façon, les femmes ont moins de temps pour regarder le sport, ou regarder des émissions sportives que les hommes dans l’ensemble des résultats qu’on a trouvés», déclare-t-il.
L’étude a toutefois fait valoir que l’intérêt pour le sport féminin est plus marqué chez les jeunes, alors qu’une personne âgée de 18 à 24 ans sur cinq a regardé la Coupe du monde de soccer féminin au Québec. Toutefois, le facteur «temps» entre aussi en ligne de compte, alors que certains soutiennent que les jeunes ont plus de temps libre pour regarder des émissions sportives.
Globalement, le sport féminin demeure peu écouté au Québec : 73,7% des répondants ont déclaré n’avoir que rarement ou jamais regardé de sport féminin, dans toutes les disciplines, au courant des trois derniers mois.
«L’idée est plus de trouver quelles sont les raisons qui font en sorte que le sport féminin n’est pas tant suivi, et là il y a énormément de raisons», a dit M. Pons.
Comment accroître l’intérêt pour le sport féminin?
Outre une plus grande présence médiatique, de nombreuses avenues peuvent être explorées pour développer l’intérêt des Québécois pour le sport féminin, selon M. Pons.
L’absence de modèle féminin fait partie du problème, selon lui, en disant que peu de documentaires s’attardent à des athlètes féminines, par exemple.
«Si le public est exposé très tôt, très jeune, uniquement à des rôles modèles masculins, peut-être qu’il sera moins enclin à suivre des femmes par la suite. Donc, il y a un travail de fonds à faire», soutient-il.
De plus, il est clair que le sport féminin rapporte moins en terme économique que le sport masculin et qu’il est moins écouté que ce dernier, ce qui peut rebuter des investisseurs et des commanditaires.
Donc, moins le sport féminin est regardé, moins il attire d’investissements du domaine public ou privé, et moins il attire d’investissement, moins il est regardé par le public. Il est donc nécessaire qu’une organisation «prenne un risque» de façon à se dire qu’un investissement financier pourrait augmenter les cotes d’écoute, explique M. Pons.
«De dire : je vais aller mettre mes dollars, ou mettre plus de sport féminin à la télé, le rationnel (économique) actuel n’est pas là, parce qu’il y a aura toujours moins de gens qui vont regarder (par rapport au sport masculin)», affirme M. Pons.
«Si on fait ça, on reste dans un statu quo permanent, et on ne donne pas plus d’exposition au sport féminin. Il faut que quelqu’un décide de mettre l’argent, et d’avoir cette présence médiatique plus importante, d’avoir ce développement de rôles modèles chez les femmes plus tôt. Même si à court terme ça ne rapporte pas, c’est le prix à payer pour que le sport féminin se développe, et se rapproche d’une équité en termes de présence médiatique», a-t-il ajouté.
La Presse Canadienne a envoyé une demande d’information à la chaîne de télévision RDS pour obtenir des données comparatives quant aux cotes d’écoute de matchs de sports féminins et masculins, mais le réseau a décliné cette demande.
Coralie Laplante, La Presse Canadienne
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